La communication des collectivités locales en période électorale

18 Sep 2024 | Droit électoral

Les collectivités publiques étant dirigées par des personnalités politiques, la frontière entre communication politique et communication publique est souvent particulièrement floue.
En période électorale, un maire est souvent tenté de mettre en valeur son action à la tête de sa commune, aux frais de sa collectivité, dans le but d’être réélu.
Afin de garantir l’égalité entre les candidats, la communication publique est particulièrement encadrée en période électorale.

En période électorale, deux restrictions majeures existent pour la communication des collectivités publiques.

La première est celle lui interdisant de faire une campagne de promotion publicitaire des réalisations ou de la gestion de la collectivité (1), la seconde est celle relative à l’interdiction d’apporter son concours direct ou indirect, à la campagne d’un candidat (2).

1- L’interdiction des campagnes de promotion publicitaire des réalisations ou de la gestion de la collectivité.

En droit, l’article L. 52-1 du code électoral dispose que :

« A compter du premier jour du sixième mois précédant le mois au cours duquel il doit être procédé à des élections générales, aucune campagne de promotion publicitaire des réalisations ou de la gestion d’une collectivité ne peut être organisée sur le territoire des collectivités intéressées par le scrutin. Sans préjudice des dispositions du présent chapitre, cette interdiction ne s’applique pas à la présentation, par un candidat ou pour son compte, dans le cadre de l’organisation de sa campagne, du bilan de la gestion des mandats qu’il détient ou qu’il a détenus. Les dépenses afférentes sont soumises aux dispositions relatives au financement et au plafonnement des dépenses électorales contenues au chapitre V bis du présent titre ».

La violation de ces dispositions peut amener le juge à annuler, totalement ou partiellement, une élection si l’irrégularité commise a été de nature à affecter la sincérité du scrutin.

Cet article pose deux principes :

(i) d’une part, l’interdiction pour les collectivités de promouvoir leur action pendant la période électorale.

En période électorale, la collectivité peut communiquer sous réserve que les publications respectent de quatre principes :

  • l’antériorité
  • la régularité
  • l’identité de forme
  • la neutralité

Une collectivité ne saurait, en période pré-électorale, faire état d’une présentation positive de son action municipale et doit éviter, dans la mesure du possible, toute allusion à la campagne électorale.
L’information doit se borner à ne comporter que des messages politiquement neutres, à caractère purement informatif (CE, 30 décembre 2010, Elections régionales de Midi-Pyrénées, n° 338189).
Le non-respect de ces dispositions peut conduire à l’annulation, intégrale ou partielle du scrutin voire à la réintégration des dépenses afférentes dans les comptes de campagne du candidat.

En 2011, l’élection de la liste conduite par Monsieur Jean Paul Huchon, alors Président de la Région Île-de-France, avait été contestée devant le Conseil d’État (CE, ass., 4 juillet 2011, Huchon, n° 338033).

Deux campagnes de communication avaient été entreprises par la Région Ile-de-France :

  • la première en septembre 2009, six mois avant les élections régionales de 2010, relative à son action et ses projets dans le domaine des transports
  • la seconde, en novembre 2009, quatre mois avant l’échéance, portant sur son engagement dans le domaine de l’emploi et de la formation.

Ces campagnes s’étaient notamment traduites par l’apposition, dans les stations et gares de métro et de RER de la région, d’affiches de quatre mètres sur trois portant le nom et le logo de la seule région d’Île-de-France.

Les premières, sous le titre « La Région fait grandir vos transports », mentionnaient « Décembre 2009 Lancement du Francilien, votre nouveau train », « 2011 Modernisation des RER A et B » et « 2013 5 nouvelles lignes de tramway ».

Les secondes, sous le titre « La Région se mobilise pour attirer l’emploi », affirmaient « La Région soutient la formation, la recherche, l’innovation et la création d’entreprise ou la reprise d’entreprise ».

Après avoir relevé que ces opérations d’affichage avaient revêtu un caractère massif, avaient été complétées par la publication d’encarts dans la presse écrite et sur Internet, avaient été réalisées pendant la période des six mois et avaient eu pour effet non de diffuser de simples informations, mais de valoriser, par des messages à caractère promotionnel, l’action du conseil régional, le Conseil d’État avait considéré qu’elles contrevenaient aux dispositions du second alinéa de l’article L. 52-1 du code électoral, alors même que leur contenu était dépourvu de toute référence aux élections des 14 et 21 mars 2010.

Pour apprécier les conséquences relatives à cette irrégularité, le Conseil d’État avait pris en compte les résultats des élections. Ayant relevé un écart de voix conséquent entre la liste de Monsieur Huchon, arrivée en tête, et la seconde, il a tiré comme seule conséquence de la violation du second alinéa de l’article L. 52-1 du code électoral l’annulation du 209ème siège au conseil régional attribué à une candidate sur sa liste.

Ainsi, l’annulation d’une élection ne peut être prononcée que si d’une part, une irrégularité est relevée et, d’autre part, si cette irrégularité a été de nature à affecter la sincérité du scrutin.

(ii) d’autre part, l’autorisation pour les candidats sortants de faire état de leur bilan et de le valoriser dès lors qu’ils communiquent en tant que candidats et que le financement de leurs opérations de communication est assuré sur leur compte de campagne.

Il n’existe d’autre limitation à l’expression des candidats que celles prévues en matière de droit de la presse (interdiction des publications à caractère polémique, injurieux, diffamatoire, etc…) et en droit électoral (Interdiction de communiquer le jour et la veille d’un scrutin).

Un candidat sortant peut donc parfaitement faire la promotion de son bilan à la tête d’une collectivité dans le cadre de sa candidature aux élections. Cette possibilité de pouvoir communiquer sur un bilan s’apparente également à une nécessité démocratique visant à permettre l’existence d’un débat sur la gestion du candidat sortant.

La seule exigence relative à la communication autour du bilan est celle selon laquelle il n’appartient pas à la collectivité de supporter des charges ayant une finalité politique, celles-ci doivent être intégrées dans un compte de campagne.

2- L’interdiction d’une aide directe ou indirecte des collectivités en période électorale.

La communication d’une collectivité, en période d’élections, est susceptible d’apparaître comme constituant une intervention au soutien d’un candidat visée à l’article L. 52-8 du code électoral qui prohibe toute aide directe ou indirecte des personnes morales (à l’exception des groupements ou partis politiques) au financement des campagnes électorales.

Si cette aide est susceptible d’affecter la régularité du compte de campagne, elle peut entraîner, outre la réformation ou le rejet de ce compte, l’inéligibilité du candidat.

En droit, l’alinéa 2 de l’article L. 52-8 du code électoral dispose que :

« Les personnes morales, à l’exception des partis ou groupements politiques, ne peuvent participer au financement de la campagne électorale d’un candidat, ni en lui consentant des dons sous quelque forme que ce soit, ni en lui fournissant des biens, services ou autres avantages directs ou indirects à des prix inférieurs à ceux qui sont habituellement pratiqués. Les personnes morales, à l’exception des partis et groupements politiques ainsi que des établissements de crédit ou sociétés de financement ayant leur siège social dans un État membre de l’Union européenne ou partie à l’accord sur l’Espace économique européen, ne peuvent ni consentir des prêts à un candidat ni apporter leur garantie aux prêts octroyés aux partis et groupements politiques ».

En cas de manquement à ces dispositions, le juge administratif peut prononcer la réformation voire, en cas de gravité du manquement, le rejet du compte de campagne du candidat en prenant en compte notamment :

  • la nature de l’avantage
  • son montant
  • les conditions dans lesquelles il a été consenti.

Dans une décision du 20 mai 2005, à l’occasion d’un contentieux relatif à l’élection de Monsieur François Rebsamen, maire de Dijon, aux élections cantonales, le Conseil d’État a considéré que :

« Ni le format ni la périodicité de la revue municipale Dijon notre ville n’ont été modifiés pendant la période prévue à l’article L52-4 du code électoral ; que les extraits à caractère local de cette revue mentionnés par Mme Williams dans sa protestation se bornent à traiter, sous forme d’éditoriaux du maire, ou d’articles, de la situation de la commune et des réalisations de la municipalité, sans excéder l’objet habituel d’une telle publication et sans faire référence aux élections cantonales ; que la circonstance que les éditoriaux et plusieurs autres passages soient accompagnés de photographies de M. Rebsamen ne suffit pas par elle-même à conférer à ces extraits un caractère de propagande électorale ; que les passages de la revue relatifs à des sujets de politique nationale ne peuvent, eu égard aux thèmes abordés et au ton employé, être regardés comme ayant un tel caractère ; que les numéros de la revue « Grand Dijon », qui contiennent une description principalement technique des réalisations et projets de la communauté d’agglomération, et ceux de la revue « Entre nous », destinée aux seuls agents de la commune, ne peuvent, eu égard à leur contenu ou à leur diffusion, être regardés comme des documents de propagande électorale ; qu’il suit de là que la diffusion de différents numéros des trois revues susmentionnées ne peut être regardée comme un avantage procuré à M. Rebsamen dont le coût devrait être réintégré dans son compte de campagne ».

Le président d’un exécutif local, un maire en l’occurrence, candidat à d’autres élections locales ne peut par principe être considéré comme bénéficiant d’une aide publique par le recours au magazine de sa collectivité dès lors notamment que ce magazine :

  • n’a pas subi de modification de format ou de fréquence de publication
  • n’excède pas l’objet habituel d’une publication à caractère local
  • ne fait pas référence aux élections à venir.

Par ailleurs, l’article L. 118-3 du code électoral dispose que :

« Saisi par la commission instituée par l’article L. 52-14, le juge de l’élection peut prononcer l’inéligibilité du candidat dont le compte de campagne, le cas échéant après réformation, fait apparaître un dépassement du plafond des dépenses électorales. En cas de scrutin binominal, l’inéligibilité porte sur les deux candidats du même binôme.
Saisi dans les mêmes conditions, le juge de l’élection peut prononcer l’inéligibilité du candidat ou des membres du binôme de candidats qui n’a pas déposé son compte de campagne dans les conditions et le délai prescrits à l’article L. 52-12.
Il prononce également l’inéligibilité du candidat ou des membres du binôme de candidats dont le compte de campagne a été rejeté à bon droit en cas de volonté de fraude ou de manquement d’une particulière gravité aux règles relatives au financement des campagnes électorales.
L’inéligibilité prévue aux trois premiers alinéas du présent article est prononcée pour une durée maximale de trois ans et s’applique à toutes les élections. Toutefois, elle n’a pas d’effet sur les mandats acquis antérieurement à la date de la décision.
Si le juge de l’élection a prononcé l’inéligibilité d’un candidat ou des membres d’un binôme proclamé élu, il annule son élection ou, si l’élection n’a pas été contestée, déclare le candidat ou les membres du binôme démissionnaires d’office ».

Ainsi, une irrégularité dans les comptes de campagne peut entraîner l’inéligibilité du candidat s’il apparaît :

  • soit une volonté de fraude
  • soit un manquement d’une particulière gravité aux règles relatives au financement des campagnes électorales.

S’agissant de ce dernier critère, le Conseil d’État considère qu’il y a manquement d’une particulière gravité si ce manquement concerne une règle substantielle relative au financement des campagnes électorales et s’il présente un caractère délibéré.

Le manquement aux dispositions de l’article L. 52-8 du code électoral est une de ces règles substantielles relative au financement des campagnes électorales.

Pour l’apprécier, le juge tient compte de l’importance de l’avantage ou du don irrégulièrement consenti et recherche si, compte tenu de l’ensemble des circonstances de l’espèce, il a été susceptible de porter atteinte, de manière sensible, à l’égalité entre les candidats.

Dans l’affaire Huchon citée précédemment, le Conseil d’État avait relevé que les deux campagnes de communication entreprises par la Région Île-de-France étaient constitutives d’une aide d’une collectivité publique à la campagne du candidat.

En raison des graves manquements relevés, Monsieur Huchon risquait d’être déclaré inéligible, ce qu’avait notamment proposé le rapporteur public lors de l’audience au Conseil d’État.

Pour autant, il ne fut pas suivi par la juridiction qui aura retenu que si un manquement avait été commis, il ne l’a pas été de façon délibérée et que les campagnes litigieuses n’avaient pas été de nature à porter atteinte, de manière sensible, à l’égalité entre les candidats.

En revanche, dès lors qu’il a considéré que Monsieur Huchon devait être regardé comme ayant bénéficié, pour le financement de la campagne électorale de la liste qu’il conduisait, d’un concours financier de la région d’Ile-de-France, pour une somme d’environ 1.500.000 euros représentant 45% du plafond des dépenses électorales, il a prononcé le rejet pur et simple de son compte de campagne.

Le candidat était donc tenu de procéder au remboursement de cette somme à la collectivité régionale.

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